Friday, June 5, 2009

Guy le Moal, masques bobo, vie, formes et couleur


Compte rendu

Guy le Moal, masques bobo, vie, formes et couleur, avril 2008, Biro éditeur, Institut de recherche pour le développement, musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, 126p.

Ce beau livre en papier glacé et qui contient de belles photos est préfacé par Anne Marie BOUTTIAUX, conservatrice en chef de la section d’ethnographie du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren.

Guy le Moal situe dès l’introduction la religion bobo, les masques bobo. Il parle des masques feuilles et de leur mission à travers le mythe cosmogonique qui constitue la base de tout le dogme bobo. C’est le Dieu suprême Wuro que les bobo retiennent comme étant l’instant capital de l’humanité. En se retirant, Dieu ou Wuro, laisse apparaître le premier homme, le forgeron qui sera incarné par les masques feuilles. Désormais, l’homme connaît la finitude de son existence. Le birewa dãga commémore tous les ans cette cérémonie de purification du village. Les bobo sont ainsi partagés entre les masques feuilles et les masques fibres végétales ou kele. La danse, le chant et la dramaturgie font partie du rite religieux. L’ouvrage est réparti en cinq parties :

La première partie traite de « Les Bobo dans le siècle et dans l’histoire » ;

La deuxième partie de « Mythes et divinités majeures » ;

La troisième partie « Le grand retour des masques » ;

La quatrième partie « Les masques en tête de bois sculpté ».

La cinquième partie « Les principales tribus allogènes installées en pays bobo ».

Dans la première partie, l’auteur traite des bobo, leur avenir et le respect des traditions. Ils ont abandonné progressivement les modes d’échanges traditionnels adaptés à leur environnement pour épouser les contraintes des économies de marchés. Ce qui bien sûr a un impact sur les traditions. Le domaine religieux semble s’être adapté à ces mutations. Les convertis bobo à l’islam et au catholicisme ne rompent pas avec la religion traditionnelle. Cette partie traite du forgeron, de la place qu’il occupe dans la société, du tisserand, du devin et de son rôle dans l’équilibre de la société. Les bobo sont caractérisés aussi par une défiance tenace à l’égard de tout pouvoir central. On remarque cependant une unité culturelle des bobo.

Dans la deuxième partie, on évoque les révélations sacrées des bobo notamment le dieu suprême Wuro. Il y a une histoire en deux temps : le mythe fondateur et le temps historique. Le couple forgeron-agriculteur sera créé par Wuro. Puis vint la femme qui permit à l’homme d’avoir une descendance. Kwere est associé à la foudre, au tonnerre, alors que Soxo est associé au monde brut, inorganisé de la brousse. De même que des récits expliquent l’apparition du forgeron, de l’agriculteur et de la femme, un récit d’origine situe la création du masque et des initiés (yele) qui vont l’institutionnaliser par opposition aux non initiés (sinkye). En portant le masque, ils s’effacent (sõwiye) pour porter la divinité du masque. Les masques du Dwo sont de puissants agents de socialisation. Il y a aussi la fondation du village bobo qui est une forme de recherche d’une terre dans l’espoir de fonder un village. Ceci se fait à travers le pacte avec soxo, divinité de la brousse. Nous avons aussi les assises religieuses du village. Les traoré édifient l’autel de sapre qui incarne le pouvoir et la brousse ; deux choses désirées et craintes par le bobo.

Il est question aussi de l’organisation sociale et politique villageoise caractérisée par la répartition équilibrée des pouvoirs et des charges religieuses. Il y a aussi le rôle des étrangers, du forgeron et du griot.

Dans la troisième partie, il est question du temps des masques qui captivent autant l’esprit que le cœur. Les bobo accordent aux masques un lien affectif et spirituel. Il y a une différence morphologique des masques qui est décrite dans l’ouvrage. Ainsi, la tribu des Syekõma du Dwo de patamaso se subdivise en deux fractions : les Syekõma Tinkere et les Syekõma « purs ». A l’occasion, on assiste à la danse du cou. Nous avons les rituels de purification. Le masque saxasaxala purifie le village. Nous avons l’initiation des sinkye de la première classe d’âge qui permet d’initier les jeunes au secret des masques. Les classes d’âges supérieurs yelebire vont diriger les sinkye. Les masques reflètent les divisions sociales et ethniques, l’enfant (kelenõ), la femme dyula (laňa). Les masques initiatiques ne pénètrent pas dans le village. Les masques de fibres gwarama et gwala circulent librement au village. Nous avons les masques saworakabe, les masque kelegu noirs, les masques kadoube, les masques Nopene, les masques guarama, bakoma, byetale rouge à un plumet, kele blanc, lana, Myanea, Bolopara, masque blanc à carcasse.

La quatrième partie traite des masques syekele des agriculteurs Bobo, de leurs caractères morphologiques et stylistiques des têtes en bois sculpté. Il y a les masques anthropomorphes ayant deux styles : le style figuratif et le style dépouillé, en « gouttière ».

Nous avons le masque beau ou Laare, Au niveau des masque zoomorphes, nous avons le nyãga de l’antilope cheval, le coq traité avec humour, la biche à pelage rayé roux. Au niveau des masques animaliers, nous avons une liberté d’expression dans la création avec une rigueur stéréotypée.

Concernant le masque du culte Sibe des forgerons Bobo, on peut dire que les molo ont une importance primordiale dans les rituels spécifiques des sibe (forgerons). Le sõ molo est le masque majeur, et le saxa molo est le masque de brousse. Les Nwenka officient dans les cérémonies funéraires. Le mythe d’origine du kwele Dwo est constitutif du culte de sibe Dwo (Dwo des forgerons). Nous avons le mythe de révélation de Kwele Do. Ce mythe sacralise la mort et la célébration des funérailles solennelles.

La cinquième partie traite des zara et de leurs masques blancs, des fêtes nocturnes des zara. Cette partie traite aussi des bolon et leurs masques kõfe, des yuguba (masques feuilles) purificateurs du Kaya, du masque « arbre géant », masque ko de plus de six mètres. Il est question aussi de l’initiation chez les bolon, du nouvel an Bobo, des funérailles de femmes au village de koreba.

Au total, l’ouvrage permet d’avoir une bonne idée du fonctionnement des masques chez les bobo. Il est agréable à lire pour des profanes et contient de telles belles photos de masques. Certes le public universitaire ne trouvera pas des analyses aussi poussées que les travaux littéraires de Louis Millogo et Sanou Salaka sur les masques, mais, il pourra en revanche déguster la compréhension des masques bobo à travers des villages. Certes avec le modernisme, le masque a tendance à connaître des traitements plus profanes sous la poussée des festivals de masques au Burkina, mais force est de connaître que l’ouvrage de Guy le Moal constitue une bonne porte d’entrée pour celui qui veut s’aventurer dans les dédales de ce trésor culturel du Burkina Faso encore vivace.

Prof. Alain Joseph SISSAO
Maître de Recherche
INSS/CNRST
Burkina Faso
alainsis@gmail.com

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